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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 21:08

Par Claudine Bois

L'article est long en titi ! À lire en plusieurs fois les cocos !

Matagami, c’est la ville du pick up…pis du ski-doo, quatre roues et compagnie. Pour vous situer, on est à quelques 780 km de Montréal et la ville la plus proche, Amos, est à près de deux heures de route au sud.


C’est dire que Matagami est isolée, perdue au nord du 49e parallèle. C’est aussi la porte de la Baie James, vous savez, les grands barrages hydro-électriques construits dans les années 1970. Ville minière par excellence, Matagami fête cette année son 50e anniversaire. Riche de ses quelques 1 500 habitants, elle offre presque tous les services d’une grande ville, sans l’achalandage. Comme son slogan le dit, Matagami est une ville en Nord.



1- Est-ce beau Matagami ?


Architecturalement parlant, Matagami c’est assez ordinaire. Les maisons ont presque toutes été construites par les compagnies minières au début des années 1960 et elles étaient louées aux travailleurs durant leurs années de service. Ce n’est que depuis tout récemment que les gens sont propriétaires de leur chez eux. Donc, depuis quelques années, les permis de rénovation abondent et les gens tentent d’embellir de plus en plus leur moitié de duplex et de se différencier de leurs dix voisins. Matagami possède aussi un superbe parc de maisons mobiles à l’entrée de la ville. Croyez-le ou non, l’une des maisons qui vaut le plus cher est une maison mobile, la grise, celle avec le gros, je veux dire l’énorme garage ! Pour agrémenter le tout, on a des sentiers pédestres, ou de motoneige selon la saison et surtout, la rivière Bell qui borde le bout de la rue des Rapides. En fait, c’est la seule rue qui nous permet de croire qu’il y a vraiment une rivière dans les parages !



2- Matagami, là où le docteur attend les patients (presque !)


L’un des avantages majeurs de Matagami, ce sont ses services. Il est très rare de poireauter plus d’une heure pour voir le médecin. Sinon, vous n’avez qu’à appeler la charmante réceptionniste qui vous dira de passer dans une demi-heure, et là, ce sera bien souvent le patient qui fera attendre le doc ! Le hic, c’est que si une femme doit accoucher, elle doit se rendre à Amos. Il faut donc vraiment prévoir le coup parce qu’Amos, c’est à plus de 180 kilomètres ! Il y a aussi une merveilleuse dentiste qui vous soulage rapidement quand le mal de dent pogne. Pour le reste, comme l’orthésiste, ou l’optométriste par exemple, il faut patienter jusqu’à ce qu’il vienne dans la région, une fois par mois si on est chanceux. Autrement, il faut traverser une fois de plus le merveilleux parc d’épinettes qui nous sépare de l’Abitibi-Témiscamingue.



3- Prendre un verre à Matagami


Ici, trois bars sont à la disposition de la population. Si on a envie de se mettre chic, c’est le jeudi pour le 5@7 au bar du motel Matagami. Ce sont les plus grosses soirées, avec un DJ pis toute. La 50 et les drinks exotiques, comme les gins toniques pas de lime font fureur ! La deuxième option qui s’offre à nous est le Tuctu. Ironiquement, c’est probablement le plus beau bar de Matagami, mais mal apprécié. Sinon, personnellement, mon préféré, c’est le Bell-O-Bar qui vous accueille avec son tapis à la couleur louche qui date des années ‘60 et sa tête de chevreuil accrochée au mur qui fait face aux machines à sous, occupées du matin au soir. Au Bell, on est notre propre Dj ! Le juke-box est excessivement lucratif et, souvent, on dépense presque plus en musique qu’en boisson. L’avantage de toutes ces belles places propices à la débauche, c’est qu’ils sont tous à moins de quinze minutes à pieds de partout en ville, donc pas d’excuse pour prendre la voiture ! Est-ce que je vous ai dit qu’il y avait deux voitures de police en permanence sur le territoire de la petite ville?!



4- À part boire, on fait quoi à Matagami ?


La question est mal posée. En fait, c’est plutôt : « qu’est-ce qu’on fait en même temps qu’on prend une bière ! » Une foule d’activités vous attendent, si seulement vous êtes amateurs de plein air ! Matagami, comme l’ensemble de la Baie James, est le paradis des pêcheurs et des chasseurs. Été comme hiver, on taquine le doré du Lac Matagami, qu’on prononce ici doooooré, le nombre de « o » étant proportionnel à la longueur dudit poisson pêché ! À l’automne, les trophées de chasse abondent - lire ici les têtes d’orignaux dans la boîte du pick up, ou bien en évidence juste en avant de la porte de garage. Tuer des animaux vivants ne vous dit rien, mais vous avez envie de tirer du 12 ? Il suffit de vous rendre au pit de sable de la traverse, d’escalader la plus haute butte avec l’ami qui a un gros pick up et de tirer du pigeon ((d’argile), mais juste dire « tirer du pigeon » ça fait plus cool !) En été, on fait du quatre roues, en hiver du ski doo, et si on n’en possède pas, c’est sûr qu’un de nos amis en a un !



5- L’art du romantisme


Pour impressionner sa date, il n’y a qu’un seul spot, le belvédère. Jonché sur la colline de Matagami, le belvédère offre une vue dite spectaculaire sur la ville entourée du Lac Matagami et de la Rivière Bell. C’est la place des premiers frenchs quand on est jeune adolescent. Sinon, l’endroit n’est pas l’idéal pour les rendez-vous galants. Et ce, pour de multiples raisons. D’abord, les restaurants sont des snacks, alors on oublie tout de suite le souper romantique avec les services d’un sommelier ! Pour une date typique, il n’y a pas non plus de cinéma ; il faut se rendre à Amos. Alors si on n’est pas convaincu que notre rendez-vous sera agréable, c’est un pensez-y bien parce qu’on est pris avec la personne pendant 4 heures dans une voiture ! Matagami est l’une des rares places où les filles n’ont pas besoin d’être en talon haut pour un rendez-vous galant, et même, quelques fois, la douche d’avant est déconseillée parce que le prince charmant vous amène à la pêche, et si vous sentez trop bon, ça attire les mouches ! Et si une de vos amies vous dit qu’elle a rencontré ou couché avec un mineur, elle ne parle pas de son âge, mais bien de sa profession !



6- Les pick up, pour la fierté mais aussi parce que c’est pratique


À Matagami, les pick up, de l’année pour la plupart, sont rois des entrées de garage. Le pick up a une double fonctionnalité. D’abord signe de virilité pour plusieurs, il est aussi très pratique parce que les Matagamiens font beaucoup de route et empruntent régulièrement les chemins forestiers qui ne sont pas asphaltés. De plus, comme on est loin de tout, le confort de la voiture n’est pas accessoire. Il n’est pas rare d’aller faire l’épicerie à Amos, d’aller magasiner pendant un après-midi à Val-d’Or, ou simplement de souper à Rouyn-Noranda parce qu’on a envie de sortir de la ville. Il ne faut pas oublier les conditions climatiques qui peuvent être chaotiques en hiver pour sortir de la ville.  Alors, chausser son gros pick up de gros pneus à clous en hiver, c’est en quelque sorte une bonne idée ! Fiers propriétaires d’engins à moteur, il est fréquent que les garages soient aussi gros que les maisons pour entreposer le ski doo, le quatre roues, le bateau et le camion. De plus, ici, le trafic est une légende urbaine montréalaise, étant une toute petite ville, le peak du trafic est atteint lorsqu’on est précédé de 3 voitures !


7- Le camping et la plage


Un peu à la sauce du camping St-Madeleine sur le bord de la 20, Matagami possède aussi son camping, et c’est là qu’on passe l’été, soit à moins d’une demi-heure de la maison, perdu un peu au milieu de nulle part sur la route de la Baie James ! Les fifth wheel valent de petites fortunes. Souvent, notre voisin campeur sera le même qu’à la maison, comme quoi on change de décor mais pas d’entourage. Le site est situé au km 38 de la route de la Baie James et borde l’une des dix plus belles plages du Canada, celle du lac Matagami, longue de deux kilomètres de sable doré. La plage, c’est la place en été. Et surtout, l’endroit pour fêter la St-Jean Baptiste et se réveiller mêlé le lendemain avec la face dans le sable.



8- Amis du primaire jusqu’au bal de finissants


Comme il y a une seule école primaire et une seule école secondaire dans les 100 kilomètres à la ronde, les jeunes font leur parcours scolaire au complet ensemble. Cette année, l’école secondaire Le Delta compte moins d’une centaine d’élèves. Les liens qui sont créés dès le primaire sont souvent très forts; c’est comme une véritable grande famille. Un penchant qui peut être négatif, c’est que les professeurs connaissent non seulement les élèves, mais aussi leurs parents. Il devient donc un peu plus difficile de faire des mauvais coups ! Le moment le plus émouvant est sans contredit le bal des finissants, parce que ce n’est pas seulement la fin des études secondaires, mais aussi le moment où plusieurs plieront bagage pour aller étudier dans une grande ville, souvent Québec, parfois Montréal ou Rouyn-Noranda.



9- La température


Ici, pour fermer les écoles en hiver, ça prend plus qu’une simple tempête de neige avec du verglas. Il faut qu’il fasse au minimum -45 avec le facteur vent. Il y a quelques années, alors qu’il suffisait qu’il fasse -43 pour suspendre les cours, la commission scolaire de la Baie James a changé le règlement parce que les élèves manquaient trop souvent l’école! Alors -25, c’est la température idéale pour faire toutes les activités que la nature nous offre en hiver, et comme ce n’est pas humide, on est très confortable à l’extérieur, habillé en conséquence évidemment ! Au contraire, l’été ce n’est pas très chaud et surtout, le beau temps dure environ 6 semaines, contrairement au sept mois d’hiver. Mais pire encore, l’été c’est un véritable festival de mouches noires et de maringouins affamés qui vous dévorent en permanence. On a déjà dit que les mouches noires étaient si grosses qu’elles courtisaient les corbeaux ! Alors vous comprendrez que la ville est plutôt rentable pour les vendeurs de chasse moustique. L’avantage de l’été, c’est qu’il fait clair jusqu’à au moins 22h30, mais l’hiver, le soleil se venge en se reposant énormément, offrant ses services rarement et pour quelques heures seulement !



10- Les gens


Matagami, c’est les gens qui y habitent. 1 534 âmes, sans compter les travailleurs qui font du fly in / fly out. Il y a les natifs, les vrais de vrais qui y ont passé leur vie et qui connaissent ça le nord. Et il y a les autres, qui viennent chercher de l’expérience pour le travail, ou simplement vivre l’expérience nordique. Certains s’accrochent les pieds et restent, d’autres ne sont que de passage. Des gens de tous les codes régionaux peuplent cette petite ville et c’est ce qui fait son charme. Quand on habite Matagami, on a des amis de partout dans la province ! L’intégration pour les nouveaux arrivants se fait tranquillement, souvent grâce à une rencontre impromptue au Bell-O-Bar, qui devient régulière, et l’amitié se forge tranquillement. Matagami, c’est aller à l’épicerie et en ressortir avec un mal de joue parce qu’on a souri à tout le monde ; notre coiffeuse, notre 4e voisin, la dentiste qui nous a rappelé notre rendez-vous. L’individualisme n’a pas encore atteint Matagami, et espérons que ça n’arrivera jamais.



Voilà le portrait que je dresse de ma ville adoptive. J’y suis depuis seulement 10 mois, et bien que je souhaite éventuellement retourner à Montréal pour le travail, j’aime Matagami plus que je ne l’aurais imaginé. J’ai même le goût de m’acheter un gros pick up !

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